La Russie avant 1917 by Gilles Boti

La Russie avant 1917 by Gilles Boti

Auteur:Gilles Boti [Boti, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les bons caractères
Publié: 2013-10-23T22:00:00+00:00


Les contradictions au sein de la société russe prenaient un tour explosif avec la croissance de la population (150 millions d’habitants en 1906) et l’urbanisation accélérée. L’opposition entre l’une des agricultures les plus primitives d’Europe et l’industrie la plus concentrée du monde se résumait ainsi sous la plume de Trotsky : « Des paysans arriérés des forêts mangeant du poisson cru et se prosternant devant un bout de bois, à côté d’ouvriers socialistes suivant l’actualité internationale. »

Dans les campagnes, l’inégalité foncière devenait insupportable. D’immenses propriétés (le tiers des surfaces agricoles était aux mains de 699 grands propriétaires) côtoyaient les lopins dérisoires de dix millions de familles. Aux montants exorbitants des fermages s’ajoutaient les taxes seigneuriales innombrables (franchissement de terres, usage du chemin communal, droit de pacage ). Les révoltes répétées des paysans étaient trop dispersées pour inquiéter le régime, se limitant souvent à chasser le propriétaire du district. Léon Tolstoï prêta ces paroles à Constantin Lévine, un des personnages d’Anna Karénine : « Chez nous, les travailleurs, les moujiks, supportent tout le poids du labeur et sont placés de manière telle que malgré tous leurs efforts ils ne peuvent sortir de leur bestiale condition. Tous les bénéfices du salaire grâce auquel ils pourraient améliorer leur condition, avoir des loisirs et par voie de conséquence de l’instruction, tous les suppléments de salaire leur sont ravis par les capitalistes. C’est de cette manière que s’est formée une société dans laquelle, plus ils travaillent, plus ils enrichiront les marchands et les propriétaires fonciers, tandis qu’ils demeureront à jamais des bêtes de somme. Cet ordre, il faut le changer. »

...et dans les villes

Dans les villes, en plus d’un régime faisant régner l’ordre, les investisseurs européens profitaient de la garantie offerte par la mise en place en 1897 de l’étalon-or pour le rouble. Mais la misère extrême des ouvriers, avec des salaires de 70 kopeks par jour pour 14 heures de travail harassant, devenait insupportable. Le prolétariat totalisait 9,4 millions de membres (3,3 millions d’ouvriers, 2,7 millions d’ouvriers agricoles, 1,2 million de journaliers et 2,1 millions de domestiques). Concentré dans les villes, il rassemblait le quart de la population, en comptant les familles. Produisant plus de 50 % des richesses, ce jeune prolétariat semblait de moins en moins se résigner à son sort. Les plus hautes autorités ne s’en inquiétèrent pas immédiatement. Elles s’en remettaient en guise de législation du travail « à l’esprit patriarcal, à la sollicitude des patrons pour régler les conflits dans un esprit de fraternité chrétienne rendant inutiles toutes obligations écrites ». La bourgeoisie était surtout préoccupée de l’« insuffisance du marché intérieur russe ». La petite bourgeoisie, paysans cossus, commerçants, intellectuels, était confrontée quotidiennement à l’arbitraire de la bureaucratie et aux privilèges des castes supérieures. Mais elle se sentait bien trop faible pour prendre les devants d’une contestation dont rien ne pouvait laisser penser qu’elle serait en capacité de la maîtriser.

De la crise économique à la crise politique

Avec la crise économique mondiale du début du xxe siècle, la jeune industrie russe fut brutalement privée de commandes, mais aussi de capitaux.



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